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Discours du président de la CID du 5 mai

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<< Les derniers survivants de la déportation, comme Abba Naor ou Jean Lafaurie ici présents, et bien d’autres, n’ont de cesse de témoigner auprès des jeunes, au prix d’un effort démesuré lié à leur grand âge, mais guidés par une motivation sans pareil. Rien n’est plus alarmant que d’entendre de leur propre voix cette inquiétude d’un monde à nouveau menaçant et oubliant les leçons du passé.>>

 

 

Les années 2024 et 2025 sont synonymes pour nous, acteurs de la mémoire, de temps forts. Le 6 juin prochain, nous célébrerons, sur les plages de Normandie, le 80ème anniversaire du débarquement des alliés, lequel ouvrait les portes de la libération de l’Europe du joug de l’envahisseur nazi. Le 29 avril 2025, nous célébrerons le 80ème anniversaire de la libération du camp de Dachau par l’armée américaine.
Plus que jamais, nous devons rendre hommage à ces milliers de jeunes soldats venus d’un autre continent, pour défendre nos libertés. Ils ont péri par milliers sous le feu de l’ennemi.


La célébration du 70ème anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie, à laquelle j'ai eu le privilège de participer le 6 juin 2014, rassemblait tous les chefs d'état sans exception. Elle donnait l'image d'un front uni dans le souvenir des victimes de la seconde guerre mondiale, et dans la recherche d'un monde de paix, malgré tout sur fond d'occupation russe de la république autonome de Crimée, toute récente depuis le 27 février 2014.


Le 6 juin prochain, à l'occasion du 80eme anniversaire du débarquement, ce front uni pourrait apparaître fissuré, tout comme un édifice dont on n’aurait pas assuré le bon entretien, dont les fondations n'auraient pas été creusées avec suffisamment de profondeur et fléchiraient sous les intempéries qui les secouent.


L'équilibre instauré après le conflit 1940-1945, l'avènement de la chute du mur de Berlin en 1989 ont ouvert le monde a un nouvel espace de paix et de liberté, dont il faut constater qu’il demeure fragile. La concurrence des grands blocs géopolitiques, toujours omniprésente, conditionne malgré tout l'évolution des politiques économiques et sociales des peuples et parfois de leur liberté.


L’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, l’attaque du Hamas contre l’Etat d’Israël le 7 octobre 2023, la persistance de conflits dans diverses régions du monde, plus ou moins connues et communiqués, le regain des actes racistes et antisémites dans nos sociétés, la menace de l’obscurantisme, la montée des politiques d’extrême droite à l’approche des élections européennes, sont autant d’indicateurs qui nous appellent à une vigilance extrême.


Le dernier danger, et non des moindres, étant les attaques menées contre la culture de la Mémoire, par certaines coalitions au sein même de notre Europe. Attaques qui voudraient remettre en cause l’utilité de notre action et réduire les moyens mis à notre disposition.

Les derniers survivants de la déportation, comme Abba Naor ou Jean Lafaurie ici présents, et bien d’autres, n’ont de cesse de témoigner auprès des jeunes, au prix d’un effort démesuré lié à leur grand âge, mais guidés par une motivation sans pareil. Rien n’est plus alarmant que d’entendre de leur propre voix cette inquiétude d’un monde à nouveau menaçant et oubliant les leçons du passé.


Évitons que la disparition des derniers survivants ne laisse la place aux seuls influenceurs et manipulateurs d’opinions que nous connaissons. C’est à juste titre que les différents Mémoriaux et Comités Internationaux de camp se penchent sur la nécessaire transformation de notre politique mémorielle. Comment impliquer davantage les descendants, les témoins de témoins. Comment atteindre et sensibiliser davantage le public. Comment s’inscrire davantage dans le champ politique, dès lors que nos valeurs sont menacées.


Les valeurs que j’adresse sont issues des serments des anciens déportés des divers camps. Permettez-moi de rappeler ici les extraits les plus significatifs de certains d’entre eux :


Buchenwald : « Notre cause est juste, la victoire sera notre. Notre idéal est la construction d’un monde nouveau dans la paix et la liberté »


Mauthausen : « La paix et la liberté sont la garantie du bonheur des peuples. L’édification du monde sur base sur de nouvelles bases de justice sociale et nationale est le seul chemin pour la collaboration pacifique des Etats et des peuples »


Dachau : « Nous jurons, pour rester fidèles à l’union et à la camaraderie née dans la souffrance et dans le combat, de nous consacrer au rapprochement des peuples dans la paix en vue d’assurer leur sécurité, leur indépendance et leur liberté »


Ravensbruck (le camp des femmes que j’ai gardé volontairement pour la fin): « Nous formulons le vœu que nos enfants veuillent considérer l’existence libre des êtres humains comme valeur suprême, que le droit à la vie, le droit à la dignité personnelle et le droit à la liberté ne puissent jamais être violés. Dans la coexistence des peuples, l’égalité sociale et la justice doivent remplacer toutes les aspirations à la domination »  

Tous ces serments, auxquels nous devons demeurer fidèles, nous appellent à rester mobilisés contre la résurgence des idéologies de haine et d’exclusion. Plus que jamais, notre combat demeure celui de la liberté, de la démocratie et de la paix.

Je vous remercie pour votre attention.

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